Périphérique, Terre Promise
Le boulevard périphérique est un objet en devenir. A la merci d'une nouvelle géographie régionale, il évolue, se métamorphose, laisse place à un horizon indéterminé.
Frontière hier ; fracture sociale et géographique aujourd’hui encore ; espace de vie, de bien-être et de loisir demain ?
Et cette mutation a d’ores et déjà commencé. En ce début de millénaire, les politiques se sont emparés du sujet afin de promouvoir une continuité urbaine entre Paris et les Banlieues. Des études prospectives sont réalisées et des projets lancés notamment dans une optique de couverture. Des budgets sont votés. Des chantiers sont en cours de réalisation et d’autres déjà achevés.
Mais les écueils sont nombreux. La mue laborieuse. Les différents acteurs se trouvent souvent en proies à d’inextricables conflits d’intérêts, la collaboration entre Paris et les communes limitrophes s’avère souvent difficile, les enjeux financiers engagés pharamineux, les contraintes techniques imposées colossales et le choix de la couverture comme solution unique à l’insertion du périphérique dans le paysage de la métropole pose souvent question.
Cet avenir incertain de la tranchée périphérique laisse la place à des scénarios de fiction dont l'image, créée à l'aide de superpositions, rend compte de façon surprenante.
Au travers de mes mises en scènes photographiques, je propose une vision fantasmatique ou fantasmée d'un périphérique en puissance. Les véhicules, fantomatiques, se fondent dans un décor sur-dimensionné ; la couverture de la zone se densifie ; la nature reprend ses droits et les piétons investissent l’espace.
Frontière hier ; fracture sociale et géographique aujourd’hui encore ; espace de vie, de bien-être et de loisir demain ?
Et cette mutation a d’ores et déjà commencé. En ce début de millénaire, les politiques se sont emparés du sujet afin de promouvoir une continuité urbaine entre Paris et les Banlieues. Des études prospectives sont réalisées et des projets lancés notamment dans une optique de couverture. Des budgets sont votés. Des chantiers sont en cours de réalisation et d’autres déjà achevés.
Mais les écueils sont nombreux. La mue laborieuse. Les différents acteurs se trouvent souvent en proies à d’inextricables conflits d’intérêts, la collaboration entre Paris et les communes limitrophes s’avère souvent difficile, les enjeux financiers engagés pharamineux, les contraintes techniques imposées colossales et le choix de la couverture comme solution unique à l’insertion du périphérique dans le paysage de la métropole pose souvent question.
Cet avenir incertain de la tranchée périphérique laisse la place à des scénarios de fiction dont l'image, créée à l'aide de superpositions, rend compte de façon surprenante.
Au travers de mes mises en scènes photographiques, je propose une vision fantasmatique ou fantasmée d'un périphérique en puissance. Les véhicules, fantomatiques, se fondent dans un décor sur-dimensionné ; la couverture de la zone se densifie ; la nature reprend ses droits et les piétons investissent l’espace.
Outre-Tombe
Transitions
« Auto-bureau-dodo ». Rien n’arrive. Si ! Une camionnette dépasse. « Regarde ta route, connard ! ».
Donc, entre la maison et le boulot : c’est LE GRAND RIEN. Regarder la route. Simplement regarder la route. Vider son regard. Abandonner tout objectif. Voir sans viser. Faire le vide parce que depuis longtemps, le bureau est devenu un placard. Pas d’horizon. (Il attend d’être viré). On lui a dit qu’il est sur une bretelle de raccordement. Son existence est en transit. Quelque part entre nulle part et rien du tout. Reste l’horizon. L’attente. Un horizon d’attente. De pure attente. La ligne d’horizon ? L’unique ligne de fuite. Fuir, fuir, fuir. Fuir d’ici. Oú ? Droit devant soi. Chaque matin, une unique échappée : le périph’. Tel une litanie. On the road again sur la Francilienne. Chaque matin entre 7 et 9 heures, c’est le road movie des banlieusards. Ils y vont tous en même temps. Ils y croient. Mais ce matin il pleut. Les essuie-glaces balaient les pare-brises. Un rythme se crée. L’eau glisse sur la vitre. « RN 104 -> RN 20 : 7 mn ». « RN 104 -> RN 6 : 16 mn ». Arrivée prévue au bureau dans 55 minutes. Une foule de voitures compacte et dense. Des feux qui s’allument à perte de vue. Maintenant ils ralentissent. La route est bloquée. Comme chaque matin, le grand embouteillage recommence. Fait comme un rat. Coincé dans l’habitacle. La vie qui freine. L’existence au point mort. Voila ce que photographie Eric Besnier.
« Photo-boulot-dodo ». Quand rien n’arrive, reste ce qui advient : des événements minuscules qu’on peut encore fixer au hasard d’une image. Des images qu’ont fait en douce, en partant au travail, en perruque, dans le dos d’une vie volée. Depuis l’habitacle Besnier shoote. Machinalement. Comme une sentinelle vide son chargeur ; par ennui. L’œuvre naît de ce désoeuvrement. Besnier mitraille à vide. Il tire à vue. A toute vitesse. Sans viser personne. Une main sur le volant, l’autre sur le déclencheur. Déconcentration totale. Le numérique c’est le contrôle total de l’image. A l’inverse, Eric Besnier tire au juger, sans viser, sans objectif précis. « -Vont-ils m’affecter sur un autre poste ? ». Tout mute, de manière aléatoire, spectaculaire, souvent absurde.
Quand tout se désoeuvre, quand rien n’arrive, reste l’absolu de l’événement. Les images d’Eric Besnier déroulent un paysage d’événements : un virage, le parapet incertain, la chaussée qui miroite, une glissière de sécurité, des pylônes comme de grands fantômes, la route crépusculaire, des villages traversés à toute vitesse, un château d’eau spectral, l’aventure incertaine d’une voiture qui double un camion citerne, -péniblement-, un arbre sans feuille qui cherche ses racines dans le ciel d’hiver. Le paysage est devenu lunaire à force de voir passer des camions, l’environnement vire parfois au sépia. Parfois aussi la forêt advient, comme une délivrance, à la fin d’une journée passée à ne rien faire. Les photographies d’Eric Besnier décrivent un monde entre glauque et poétique, entre ville et campagne, entre chien et loup, la nuit qui tombe, un horizon qui bascule. Entre deux, en transition, tout mute.
Peu d’humains dans les images d’Eric Besnier. Il y a la route. La route seule. Sur cette route les signalétiques sont floues, les indications sont brouillées, on perd ses repères. On traverse bien la campagne, celle des peintres de paysage de l’école de Barbizon ; mais c’est sans pittoresque. L’image vire à l’abstraction ; souvent, elle n’est plus qu’une matière. Quand l’eau ruisselle sur la vitre, l’image photographique s’irise aussi à la manière d’une aquarelle chinoise. Le travail d’Eric Besnier, c’est cela : le zen du banlieusard. Une forme de spiritualité très intime, au plus proche du réel et de ce qui advient. La pure actualité d’un temps d’attente et de transit.
Par Olivier Long, Critique d’art, Enseignant Chercheur en image numérique à l’Université Paris I-Sorbonne.
Donc, entre la maison et le boulot : c’est LE GRAND RIEN. Regarder la route. Simplement regarder la route. Vider son regard. Abandonner tout objectif. Voir sans viser. Faire le vide parce que depuis longtemps, le bureau est devenu un placard. Pas d’horizon. (Il attend d’être viré). On lui a dit qu’il est sur une bretelle de raccordement. Son existence est en transit. Quelque part entre nulle part et rien du tout. Reste l’horizon. L’attente. Un horizon d’attente. De pure attente. La ligne d’horizon ? L’unique ligne de fuite. Fuir, fuir, fuir. Fuir d’ici. Oú ? Droit devant soi. Chaque matin, une unique échappée : le périph’. Tel une litanie. On the road again sur la Francilienne. Chaque matin entre 7 et 9 heures, c’est le road movie des banlieusards. Ils y vont tous en même temps. Ils y croient. Mais ce matin il pleut. Les essuie-glaces balaient les pare-brises. Un rythme se crée. L’eau glisse sur la vitre. « RN 104 -> RN 20 : 7 mn ». « RN 104 -> RN 6 : 16 mn ». Arrivée prévue au bureau dans 55 minutes. Une foule de voitures compacte et dense. Des feux qui s’allument à perte de vue. Maintenant ils ralentissent. La route est bloquée. Comme chaque matin, le grand embouteillage recommence. Fait comme un rat. Coincé dans l’habitacle. La vie qui freine. L’existence au point mort. Voila ce que photographie Eric Besnier.
« Photo-boulot-dodo ». Quand rien n’arrive, reste ce qui advient : des événements minuscules qu’on peut encore fixer au hasard d’une image. Des images qu’ont fait en douce, en partant au travail, en perruque, dans le dos d’une vie volée. Depuis l’habitacle Besnier shoote. Machinalement. Comme une sentinelle vide son chargeur ; par ennui. L’œuvre naît de ce désoeuvrement. Besnier mitraille à vide. Il tire à vue. A toute vitesse. Sans viser personne. Une main sur le volant, l’autre sur le déclencheur. Déconcentration totale. Le numérique c’est le contrôle total de l’image. A l’inverse, Eric Besnier tire au juger, sans viser, sans objectif précis. « -Vont-ils m’affecter sur un autre poste ? ». Tout mute, de manière aléatoire, spectaculaire, souvent absurde.
Quand tout se désoeuvre, quand rien n’arrive, reste l’absolu de l’événement. Les images d’Eric Besnier déroulent un paysage d’événements : un virage, le parapet incertain, la chaussée qui miroite, une glissière de sécurité, des pylônes comme de grands fantômes, la route crépusculaire, des villages traversés à toute vitesse, un château d’eau spectral, l’aventure incertaine d’une voiture qui double un camion citerne, -péniblement-, un arbre sans feuille qui cherche ses racines dans le ciel d’hiver. Le paysage est devenu lunaire à force de voir passer des camions, l’environnement vire parfois au sépia. Parfois aussi la forêt advient, comme une délivrance, à la fin d’une journée passée à ne rien faire. Les photographies d’Eric Besnier décrivent un monde entre glauque et poétique, entre ville et campagne, entre chien et loup, la nuit qui tombe, un horizon qui bascule. Entre deux, en transition, tout mute.
Peu d’humains dans les images d’Eric Besnier. Il y a la route. La route seule. Sur cette route les signalétiques sont floues, les indications sont brouillées, on perd ses repères. On traverse bien la campagne, celle des peintres de paysage de l’école de Barbizon ; mais c’est sans pittoresque. L’image vire à l’abstraction ; souvent, elle n’est plus qu’une matière. Quand l’eau ruisselle sur la vitre, l’image photographique s’irise aussi à la manière d’une aquarelle chinoise. Le travail d’Eric Besnier, c’est cela : le zen du banlieusard. Une forme de spiritualité très intime, au plus proche du réel et de ce qui advient. La pure actualité d’un temps d’attente et de transit.
Par Olivier Long, Critique d’art, Enseignant Chercheur en image numérique à l’Université Paris I-Sorbonne.